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samedi 14 novembre 2020

Pourquoi The Great Southern Trendkill n'est-il pas considéré comme l'un des meilleurs albums de Metal de tous les temps (alors qu'objectivement cela devrait-être le cas) ?

Salut à toi.

L'histoire l'a prouvé : PANTERA a révolutionné le monde du métal. Si la discographie du groupe est connue et culte, un des enregistrements de la formation continue pourtant à être l'un des skeuds les plus mal aimés (et connus) du métal.

Il y a bien des raisons pour lesquelles The Great Southern Trendkill n'est pas apprécié, mais très franchement, aucune n'est bonne.

Je ne suis pas un spécialiste musical. Je n'ai pas la prétention d'avoir cette « science » que la plupart des journaleux ont. Ma seule ambition ici et de réhabiliter aux yeux de mes potentiels lecteurs ce skeud au titre qui me semble être le plus légitime : probablement l'un des meilleurs skeuds de métal de tous les temps.

1 : Un combat de Titans.

« You know when it rains you're in your bed at home, You act so real when you are alone. You better not let the mohawked crowd see
Give it five years, you'll retire your piercings...You must admit that you mimic the weaklings »

The Underground In America

Je te resitues la base et l'époque : l'été 1995. Le néo commence a exploser, le black Metal aussi. Le death Metal lui est au bord de l'extinction et au milieu de tout ça, Pantera, immense coup de rango dans la fourmilière, règne en maître incontesté sur le milieu du Metal.

C'est aussi à ce moment que Vinnie Paul Abbott demande au producteur Terry Date de venir s'installer quelques mois à Dallas. Co-directeur artistique du disque, le batteur compte enregistrer à domicile le nouveau skeud des Pantera afin de se nourrir des vibrations locales et Texanes, mais aussi pour être à même de bosser de jour comme de nuit au grès des envies et des besoins du groupe.

Si tôt dit, si tôt fait, les frères Abbott et Rex Brown l'acolyte de toujours s'acquittent de l'instru de leur côté.

« Que de leur coté ? » me demanderas-tu d'un air intrigué ?

Certes, te répondrais-je car Anselmo, lui, enregistre les voix dans sa Louisiane natale, aux Nothing Studios de Trent Reznor.

On touche là le premier fait marquant dans la genèse de cette perle de haine qu'est The Great Southern Trendkill. Cette guerre larvée, ou du moins cette mésentente pour le dire poliment entre le groupe et son front-man, de plus en plus instable et tourneboulé par son penchant grandissant pour l'héroïne.

Je te le dis franchement car c'est un fait connu : le clan Abbott est un pur produit Texas. Vinnie et Dimebag, les deux frangins, ont toujours revendiqué leur héritage redneck et n'ont jamais renoncé à la country et à leurs racines musicales (je citerais pour mémoire l'album Rebel Meets Rebel avec David Allan Coe, parmi tant d'autres), rendant par moment de forts hommages à leurs groupes de prédilection, Kiss en tête. Pantera était leur enfant.

Anselmo, lui, est un enfant de NOLA. Une racaille, un teigneux venu de l'underground de la nouvelle-orléans. Son goût pour le sludge et le punk, sa fascination pour les drogues, ses textes ciblés sur la société... Tout cela trahit des goûts tournés vers les cultures alternatives.
A l'époque, Anselmo vient tout juste d'enregistrer le premier Down, un bijou qui révolutionna, dans son genre, le Stoner et qui reste encore aujourd'hui aussi poisseux que l'humidité du bayou. Phil Anselmo s'est toujours revendiqué fervent admirateur du death-metal du début des années 90 (on connait son implication dans la place des tournées de Morbid Angel de cette époque et dans le metal extrême de toutes les façons possibles, la suite de sa carrière le prouvera). Il avait monté plusieurs side-project tous issus de la scène underground, le plus connu étant Superjoint Ritual, mais également Christ Inversion, Viking Crown, etc...

Oeil crevé sur le gâteau : l'invitation « l'air de rien » sur la galette au serpent de Seth Putnam d'Anal Cunt -qui va hurler un peu partout sur le skeud - marque bien l'amour du front-man pour ce milieu musical.

Un désaccord fort qui va faire écho au bras de fer sanglant retransmis sur l'enregistrement.

Un combat auquel l'auditeur assiste sans en avoir conscience. Anselmo hurlant pour tenter de couvrir les riffs énormes de Dimebag. Ce dernier composant des mélodies troublées et violentes pour transmettre la détresse que l'homme ne peut que ressentir a cette époque de doutes, contrebalancée par la haine que toute cette situation de merde doit lui faire ressentir, écrasant par moment les parties vocales qui redoublent ensuite de violence à leur tour...

« Drag The Water », seul morceau du skeud a avoir fait l'objet d'une exploitation en clip parle bien de cette ambiance par lui même. D'un coté les frères Abbott et Rex jouant ensemble, comme dans 95% des clips du groupe et de l'autre un Anselmo, seul, au visage déformé par la haine hurlant sa détresse dans le noir et n'ayant probablement même pas vu le groupe pour la vidéo. Je te conseille de le re-visionner si tu as un doute (ou pas d'ailleurs).

Le morceau titre, The Great Southern Trendkill (ce monstre quasiment injouable en live) est un bel exemple de ce combat perpétuel que tu va retrouver sur tout le skeud. Des hurlements qui se chevauchent, qui se surperposent, qui luttent de toutes leurs forces contre le groove rugueux, brutal et alcoolisé jusqu'à la nostalgie de Dimebag, contrebalancé par la rythmique chaloupée de Vinnie Paul, bloquant net l'effort de haine du chanteur en plein milieu du morceau... Simple fenêtre donnant sur le désespoir et la violence du combat interne que vit le groupe.

Schéma reproduit sur bien des chansons de l'album où Anselmo est de plus en plus agressif, hurlant de plus en plus fort sa haine et sa colère alors que Dimebag balayera presque systématiquement tout cela à coup de groove agressif.

Deux personnalités ayant marqué le monde du metal qui s'affrontent d'une façon larvée sans en avoir probablement même une conscience totale... Et au milieu : l'auditeur qui en prend plein la tronche et qui voit l'un des plus gros groupes de tous les temps se détruire. Comme un enfant qui refuse de voir ses parents se séparer, l'auditeur aura comme réflexe de se rappeler de Pantera comme d'une bande de cow-boys venus de l'enfer, qui se biture à Noël et qui passe son temps à déconner et à se tatouer.

C'est un tort. Drag The Waters some more...

 

2 : Une sombre perle de haine et de désespoir.
« My skin is cold... Transfusion with somebody. Morose and old. Drop into fruitless dying. It was tempting and bared, the whoring angel rising.
Now burning prayers, my silent time of losing...
My foes - they can't destroy my body... Colliding slow, like life itself"
10's

C'est un fait : rongé par la drogue Anselmo à cette époque est au fond du gouffre, il fera d'ailleurs un arrêt cardiaque du à une overdose d'Heroïne pendant environ 5 minutes, durant un concert deux mois aprés la sortie de l'album. Conscient de sa détresse et de l'effort à faire pour en sortir, conscient de sa célébrité et de ce que cela implique et peut entraîner : Anselmo va sur les 11 morceaux de l'album, cracher sa haine de cette spirale et de ce cercle vicieux tout en ne niant jamais qu'il fait parti de ce monde.

Avec The Great Southern Trendkill, Anselmo aura laissé quelques uns des ses plus beaux lyrics. Car malgré les incantations nihilistes haineuses, malgré sa douleur consumée par la drogue et son isolation dans le studio Louisianais, Anselmo est au sommet mais reste pourtant fidèle à la doctrine de Pantera, celle qui est scandée dans «  A New Level » : toujours un cran de plus.

Un niveau en plus de confidence. Un niveau en plus de puissance. Toujours plus violent, plus intimiste et plus brut que l'album d'avant.

Hors, ce fameux « album d'avant » c'est Far Beyond Driven.

Anselmo est lucide (quand il écrit en tout cas) et le fait à son propre niveau : en l’occurrence et à l'époque un quidam américain sudiste moyen de son âge qui observe et pense le monde autour de lui. D'une façon impulsive et en comprenant mal les rouages autour de lui probablement. Mais toujours sincèrement.

Vulgar Display of Power parlait de la société et de ses règles hypocrites et injustes.
Far Beyond Driven exaltait une puissance nouvellement acquise, une ivresse d'être devenu une sorte de « stars » de la scène metal. On le sait, c'est le premier album que Pantera enregistre en ayant conscience de sa célébrité.

Sur The Great Southern Trendkill, Anselmo transpire la haine et la frustration d'un homme qui arrive au sommet de sa vie. Ses cibles sont pourtant les mêmes que bien d'autres à son niveau : la dépression, la drogue, la bassesse humaine et les médias musicaux. Anselmo aura mit une grande partie de sa vie à maîtriser tout ce qu'implique cette mécanique autour de lui. (Music Media Is My Whore – Phil H Anselmo and the Illegals)

Mais à cette époque, Anselmo déverse là une haine nuancée, à contre courant de l'époque tiraillée entre la divergence du Black Metal et la coolitude du Neo.

La haine de Phil est biaisée, transformée voire nuancée par les médocs et la drogue oscillant entre l'ironie violente (13 Steps), l'agressivité totale et aveugle à l'encontre d'un ennemi particulier (TGST, Sandblasted Skin), et désespoir abyssal, solitaire et désabusé de tout (10's, Suicide Note part.1).

C'est probablement ce qui fait l'une des plus grandes forces du skeud : sa souffrance à plusieurs faces. Ses sautes d'humeur imprévisibles et aléatoires. Citons l'incroyable passage de la première à la seconde partie de « Suicide Note », probablement non prévue par les frangins et à créditer très sûrement à la seule attention d'Anselmo mais restant comme la plus forte transition jamais imaginée au sein d'un tracklisting encore de nos jours. L'envie de mourir seul et oublié dans la nuit contrebalancée brutalement par l'envie furieuse d'emmener ce putain de monde avec soi dans une spirale de haine gore, de napalm et de violence sans nom.

Et pourtant dans cette quête douloureuse et solitaire, Anselmo va se révéler sur cet album l'un des meilleurs vocalistes du milieu, posant ce qui reste encore à ce jour un de ses meilleurs efforts sur un enregistrement. La haine comme moteur.

Sur ce nouveau niveau de puissance, la partie instru n'est évidemment pas en reste sur TGST. Bridge improbables, solos incroyables et riffs au long groove ravageur, Dimebag va poser certaines de ses plus belles idées sur cet album. Noyé dans une déferlante de haine et de hurlements, le bridge de The Undergound In America reste un exercice de groove qu'on n'entendra pas ailleurs, plaçant les racines texanes de l'homme en plein milieu du morceau, marquant là encore son envie de recentrer le débat. Le break phénoménal qu'il exerce sur le morceau d'intro, coupant net la discussion sur TGST ou son solo désabusé sur Floods : Dimebag excelle sur l'album, plus que sur aucun autre et communique de réels sentiments et émotions via ses cordes.

Plus qu'aucun autre album, The Great Southern Trendkill est avant tout un condensé de haine, de frustration... Et de tristesse de voir un tel gâchis.

3 The Trend Is DEAD !!
« Buy it at a store, from MTV to on the floor. You look just like a star, it's proof you don't know who you are ! »
The Great Southern Trendkill.

Je te ramène dans les années 90. Ouais c’est un peu lourd de naviguer dans les époques comme ça, mais c'est nécessaire pour comprendre mon propos.

Il y a une époque où avoir le look metalleux, ou « hardos » comme cela se disait à l'époque, c'était essentiellement avoir des cheveux longs, des rangers et des patchs de Iron Maiden en écoutant des groupes aux riffs compliqués.

Et brutalement, les crânes ont été rasés, les baskets ont commencées à être mise bien plus en évidence et les gars débarquaient avec des CFH et des unscarred tatoués partout.

Pantera avait débarqué. Les riffs des groupes qui jouaient dans le garage de mémé avait globalement tous le même son, les batteurs kiffaient tous leur race d'avoir le groove, bref, le milieu de Metal prenait de plein fouet l'arrivé des cow-boys. On peut le dire : Pantera était à la mode. Paradoxe venant d'un groupe qui n'avait pas peur « d'effrayer le public » en faisant ce qu'il n'attendait pas, comme l'expliquait l'un des deux frangins en interview. Le groupe voulait monter en puissance a chaque album, certes. Mais arriver a se renouveler demande un certain recul sur son œuvre. Le système avaient fait d'eux des « vedettes » des produits de consommation. Les clips passaient sur MTV. Bientot on aurait eut le syndrome des Guns And Roses a voir tout et n'importe qui avec des t-Shirt avec un logo Pantera. Quid de l’intégrité du groupe ? Comme le prouve la grande majorité des lyrics de l'album, Anselmo, et à travers lui Pantera, ne se reconnaît plus dans ce système de starisation à outrance, « The Great Southern Trendkill », « Living Through Me », 13 Steps To Nowhere », « The Underground In America », « Sandblasted Skin »...

A un moment de sa carrière ou Metallica aura enregistré le Black Album, en mettant la pédale douce, où Slayer prenait un rythme de croisière sur Season, où Sepultura retrouvait une identité plus posée sur Roots. A ce moment où le groupe est au sommet, Pantera fait le choix de rester résolument intègre, résolument authentique et sans aucun compromis en prenant le risque maximal : choquer et perturber les auditeurs. Hurler jusqu'à en devenir aphone, monter le son jusqu'à en devenir sourd. L'artwork interieur de l'album est parlant à ce niveau. On efface tout, on écrase, on arrache tout ce qui a été écrit. On se haït à en crever. L'unique photo du groupe les montre distants, haineux, éloignés de l'objectif (le premier plan est sur Rex Brown, les trois autres sont loin derrière, méconnaissables).

On tue Pantera pour le réinventer.


 

The Great Southern Trendkill, comme je viens de te l'expliquer, avait beaucoup de cordes à son arc pour mener à bien sa mission et finira d'enterrer le groupe à grand renfort de « THE TREND IS DEAD !!! » hurlé encore et encore et encore et encore jusqu'à rendre sourd, enterrant toujours plus profondément la formation, qui essaye de revenir malgré tout, se voulant rassurante à la toute fin de l'album avec son riff groove... Pantera est enterré certes mais tout n'est pas fini....

Mais si...

La violence du propos, le niveau de haine, de frustration et de colère craché par l'album pendant ses 53 minutes et 11 secondes est tellement puissant, tellement véhément que le groupe ne saura pas s'en relever, le poussif « Reiventing The Steel » n'arrivant certainement pas à éclaircir le cœur et l'ambiance du groupe, a lui faire retrouver ce liant si attendu...

Pantera est mort, vive Pantera. 

Leçon de vie ?
Le groupe avait réussi son pari en dépassant, à chaque album, un niveau censé être inégalable... Jusqu'au point de non-retour, celui de la haine pure. Celle qui consume tout ce qu'elle touche sans distinction.

Anselmo fera son overdose.
Dimebag se fera abattre sur scène.
Vinnie Paul ne s'en remettra jamais jusqu'à sa mort.

Le disque de tous les extrêmes. L'enregistrement de Metal qui tua son propre groupe. L'un des meilleurs skeuds de metal de tous les temps. On ne se relève pas de The Great Southern Trendkill.