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On y cause de
Métal sous toutes ses formes, d'ambiance d'apocalypse, films, séries, jeux de rôle et jours de colère...

jeudi 3 novembre 2011

L'engrenage du Sang

“You know this feeling when adrenaline takes control…”
 Slayer – Killing Fields

- Putain, mais quel que soit lendroit je me tourne cest le bordel ! Tes vraiment quune lopette, Damien ! 

Célia était furieuse. Ses cheveux longs, rouges, en totale liberté, semblaient fous. Ils cachaient son masque de Mickey Mouse sanglant, comme si celui-ci ne suffisait pas à garantir son anonymat. Son flingue neuf brillait de mille feux alors qu’elle braquait tous les otages aux alentours en tournoyant sur elle-même.
Il ne faisait pas bon être dans le personnel employé dans cette banque du centre de Toulon, ce jour-là.

 Quelle merde ! Bloqués dans la banque, cernés par les flics et peut-être pire encoreTout avait bien commencé pourtant. Un entrée royale, armés jusquaux dents, avait permis au couple de buter le gardien, puis de menacer tout le personnel avant de vider les caisses et le coffre. Quest-ce qui avait foiré, nom de Dieu ? Même les clients étaient absents ! Il ny avait que le personnel ! Pourquoi la flicaille avait-elle rappliquée si vite, bloquant toutes issues aux amants ?

Trop tard pour y penser. Aviser. Réfléchir et agir.

Damien sassit à terre, près de lentrée barricadée. Ses yeux cernés de khôl dissimulés par une chevelure noire débène, ruisselante de sang et de sueur, il avait depuis longtemps jeté son masque de Sarkozy à terre. Face à lui, le cadavre du vigile, mutilé par Célia. Dans sa tête, lacide le rongeait intérieurement et le disputait au chaos qui régnait autour de lui.

Cette fille était démente, il en était persuadé. Mais la tension décuplait nettement cette folie. Même si elle le niait, cétait bien évidemment elle, et elle seule qui avait estropié cet homme ainsi. Quand les otages avaient vu ce massacre, ça avait été la fin de tout. Ceux qui nont pas hurlé deffroi en vomissant avaient essayé de fuir. Célia, furieuse, en avait abattu deux. Son « visage » de rongeur était ruisselant de sang, mais cela navait, visiblement, fait quaccentuer sa frénésie aveugle. Elle avait fait se coucher à terre le reste des employés, prenant un malin plaisir à les entendre pleurer et supplier, face contre le sol.

Vire-moi ces cadavres, bordel ! avait-elle hurlé aussitôt, comme possédée. Et Damien, lui, le fier Damien, avait obéi, soumis. Lesclave du boucher. Le gars qui balaye les carcasses. Le crotté aux yeux ceinturés de noir.
Manipuler ces corps dans larrière-salle lavait fait vomir, mais cétait le seul endroit les entreposer sans quils ne soient sous leur vue. Immondes, les narguant, leur rappelant à tout instant leur cuisant échec et son inévitable fin.
Incapable du moindre mouvement, de la moindre pensée cohérente, déchiré par lacide et les visions, Damien nétait plus que lombre de lui-même.

Lui-même.
Qui aurait put prévoir que le gosse des Granil, bonne famille dont le paternel était à la tête de son propre restaurant aller virer ainsi ? Damien avait toujours hait ses vieux au plus haut point. Celui de sen détacher. Celui de se laisser pousser les cheveux, de cultiver son teint blafard en cernant ses yeux de khôl. Ses oreilles étaient devenues sourdes à force derrer de concert en concert, son esprit avait décidé dabdiquer face aux produits chimiques. Damien navait plus toute sa tête. Il le savait.

LSD.
Ecstasy. Sexe. Son amour pour les différentes drogues et sa vie de débauche avait fini de lexclure du cercle familial. Mais il navait jamais réellement eu besoin de faire ce casse. Sa famille de moutons blancs laurait très certainement repris avec elle sil avait eu des soucis financiers graves.

Non, c’est Célia qui avait voulu ce cirque. C’est elle qui s’était procuré des armes dans les bas-fonds de Toulon. C’est elle qui avait choisi le jour et l’heure. C’était elle le cerveau. Et c’était elle qui foutait le boxon en flinguant à tout va. La conne !

-
Tout ira bien, avait-elle précisé. Je me suis renseignée sur le personnel. Même le directeur est un connard, il ne sort pas de chez lui. On le fera se pisser dessus de trouille. Ca ira, je te dis. On va les faire marcher à la peur. Leur filer la frousse. Les bourgeois ne connaissent pas la frayeur, on va leur en donner tellement quils y penseront jusqu'à leur mort !

Célia était une conne, mais sacrément futée.

Célia.
Jamais une femme navait autant attiré Damien. Jamais des yeux navaient pu autant le captiver, une langue si bien le connaître et des bras létreindre. Les yeux de jade de Célia avaient toujours été un repère pour Damien. Même lors de leur échange avec dautres couples. Même lorsque ses paradis artificiels prenaient le pas sur tout le reste. Célia était plus quun enchantement à ses yeux. Plus quun refuge. Plus que tout.

Mais Célia était une femme de caractère. Elle savait ce qu’elle voulait, malgré les drogues, l’alcool et la débauche de leur vie, Célia voulait de l’argent. Toujours plus d’argent. Jusqu’au point de non-retour. Aujourd’hui.

Damien
ne tenait plus. Les sirènes de la Loi rugissantes à lextérieur combinées aux cris et vociférations à lintérieur le rendaient malade. Il retint un spasme nauséeux avec difficulté. Son flingue - un Sig-Sauer 19 avait précisé Célia - pesait une tonne dans sa main tremblante.

-
Pour la frime, lui avait dit Célia en le lui donnant. Damien navait jamais manié darmes à feu, et ne savait même pas comment enlever le cran de sûreté. Célia connaissait les armes. Elle lui avait expliqué que la simple vue du flingue suffirait à se faire écouter. Ils ne tireraient pas.

Tu
parles ! Quelle chierie ! Le sang du vigile maculait encore le sol et une partie des murs. Et que dire des deux autres morts empilés dans larrière-salle ? Damien se releva difficilement en entendant dautres voitures dehors. Lunivers devenait distendu. Ou se trouvait til exactement ? Il commençait à perdre pied, il le savait.

Une
voix séleva de lextérieur, exhortant les deux amoureux à sortir sans armes. Malgré ses yeux clos, Damien comprit la réponse de Célia qui tira une rafale dans le plafond en hurlant des injures. Les otages hurlaient. Célia éructait encore plus. Tout cela samplifiait dans son cerveau halluciné. Il était en nage. Son khôl lui coulait jusqu'à la commissure des lèvres. Le mur donnait limpression de sabattre sur lui. Qu'est-ce qui était vrai ? Où était ses fantasmes ?

Marre !
Damien en avait marre. Il décida de se retirer avec la vermine et les macchabées. Pour se recentrer. Il sefforça de faire le point, de se calmer et envisagea sérieusement le problème. Combien de flics étaient là ? Que savaient-ils exactement de la situation ? Un spasme le reprit, trop rapidement pour quil ne puisse le contrôler.

...Il reprit connaissance dans sa flaque de vomi. Tremblant et en sueur. En pleine descente. Rien nétait certain, la sensation de se réveiller dun cauchemar disparut rapidement pour laisser place a celui de la réalité. Combien de temps était til resté inconscient ? était Célia ? Pataugeant dans sa propre souillure, écartant ses cheveux collés à sa peau par le sang, il essaya, péniblement, de se relever sans regarder le spectacle offert par les trois restes de cadavres en pure perte. Il vit le cadavre du vigile. En tout cas, ce qui en restait, ou ce qu'il en imaginait.

Il
sessuya dun revers de sa manche tout en sortant de la pièce, abasourdi. Il sappuya de tout son poids sur la porte pour la refermer, ne croyant pas ce quil venait de voir.

Comment
avait-elle pu commettre cette horreur ? Comment avait-elle pu ouvrir de cette façon le cadavre du vigile ? Comment avait-elle pu étaler ses intestins de cette manière sans que Damien ne sen rende compte ? Etait-ce ses hallucinations qui déformaient ainsi la réalité ?

Il retourna vers Célia en tenant fermement son flingue. Elle laperçut. Elle sarrêta de tirer, de hurler et de vociférer quand elle vit quil la tenait en joue. Le monstre se calma. La furie se changea en nymphe, se retransforma en la fée que Damien connaissait. SA Célia.
Elle retira son masque de fureur pour découvrir sa peau dune pâleur maladive, ses traits fins juste renforcés par les piercings quelle portait sur larcade sourcilière. Son khôl avait coulé, lui aussi, mais ses yeux verts nen étaient que plus perçants. Deux bijoux de beauté intelligente.

Elle
lui parla avec sa voix douce et calme, lui demanda ce quil se passait, sil se sentait bien. Sa voix calme et mélodieuse. Celle quelle utilisait a des heures indues, quand ils étaient seuls dans un monde qui nappartenait qua eux.

Mais à vrai dire, Damien ne l’entendait plus trop. Il revoyait sans cesse le macabre spectacle de l’arrière-salle, et ses échanges physiques avec la femme qui l’avait mis en œuvre. Il se dégoûtait. Il était saturé, épuisé. Il voulait que cela s’arrête et se rendre à la police. Sa tête lui faisait mal, sa vision était déformée, sa perception de la réalité altérée, il le savait.

Sueur. Frissons. Damien avait du mal à garder les yeux ouverts en se rendant compte du tragique de la situation.

- Tout ça pour
ça, dit-il à voix haute en désignant le sac contenant les valises encore fermées sorties du coffre de la banque. Aucun deux navaient réellement pris le temps de les ouvrir.

Dehors, une voix déclara que la police laissait une demi-heure au couple avant d’employer les grands moyens.

Damien
regarda dun œil morne Célia, baissa son arme et se dirigea vers les valises. Mais il ny trouva pas de billets, ni des lingots.

Ni ce que Célia attendait, quoi que ce fût.

Non.

Ce que ces valises recelaient, c’était des restes humains.

Célia lui retourna un regard interrogateur. L'acide lui bouffait le crâne.

Et la porte de l’arrière-salle s’ouvrit.

Les
deux employés abattus par Célia étaient devant eux, debout, du sang ruisselant de leurs blessures, mais les yeux bel et bien ouverts, un sourire horrible déformant leur visage. Célia se retourna brusquement vers les otages avant de se faire littéralement couper en deux au niveau du bassin par le Directeur de lagence, plus rapide quune fusée.

Debout, il jubilait en regardant Damien, affolé, couvert du sang de sa compagne alors que les jambes de celle-ci continuaient à sactiver entre eux de façon invraisemblable. Séparée du haut du corps, elles avançaient, seules, aveugles, dans une parodie de vie pitoyable. Etait-il devenu fou ? Etait-ce réel ?

La
créature envoya dun simple geste le tronc sanglant à lautre bout de la pièce dans un bruit cauchemardesque.

Si
puissante. Si rapide. Invincible.

Tous
les employés se relevaient a présent, heureux davoir enfin de quoi festoyer. Cependant, dans un dernier sursaut de vivacité, Damien décida de leur ôter ce plaisir. Sous le regard affamé des créatures, il mit son Sig-Sauer dans la bouche et appuya sur la détente.
Mais il ne savait même pas comment enlever le cran de sûreté…


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Très très chouette. +1 pour le style.